jeudi

Mon violeur

Je l'ai connu, je devais avoir une dizaine d 'année. Ma tante s'était installée à la montagne avec lui et nous avions fait sa connaissance.
J'aimais beaucoup ma tante. Elle représentait pour moi un modèle de femme idéale.

Rapidement, j'ai voué une admiration à mon oncle qui me semblait grand, fort et beau. Il était véritablement gentil avec moi et j'ai rêvé qu'il pourrait remplacer mon père tellement convaincue que j'étais que le mien ne m'aimait pas.
Il m'écoutait, me parlait. J'étais bien à ses côtés et ne pensais qu'à une chose, y rester.
Nous allions souvent chez eux en vacances, au début avec mes parents ensuite avec mon père puis moi seule ou avec des amies.
J'avais ce désir de le suivre partout de n'être jamais loin. Je me sentais en sécurité, protégée, à l'abri.
Bizarrement pendant les repas, il s'asseyait à mes côtés et frottait ostensiblement sa jambe à la mienne.
Je me souviens du trouble naissant en moi mais l'idée qu'il me prouvait son attachement me rassurait.
Il possédait aussi un discours particulier sur les femmes et sur le plaisir. J'avais 12 ou 13 ans et j'écoutais comme on écoute un mentor.
J'y retournais à chaque vacances avec à la fois ce bonheur et aussi cette douleur au ventre. Une immense joie mêlée de détresse. Un trouble inexplicable sur l'amour que je lui portais . Je le voulais comme père et il me tripotait. Était-ce pour cela que je ne pouvais établir de relation avec mon vrai père ? Une confusion terrible a commencé à s'installer en moi. J'ai senti la culpabilité m'envahir, mais cette situation me rendait différente. Quelqu'un s'intéressait enfin à moi. De plus, personne ne semblait dérangé. Mon père continuait à m'emmener, profitant de la présence de mon amie ( celle des dunes ). Je le voyais user de sa puissance de mâle pour l'attirer dans ses filets. Même si l'étrangeté de la chose provoquait chez moi de la souffrance, je ne pouvais remettre en cause une éducation paternelle. Je connais peu d'enfant de 13 ans capable de détruire le modèle parental. J'ai donc fini par trouver tout cela normal.
Quand j'étais seule, mon oncle m'embrassait sur la bouche entretenant ce fil qui me liait à lui.
J'avais le sentiment d'être grande et d'occuper une place importante. Aujourd'hui, je me dis que cela me rapprochait inconsciemment de mon père. Peut-être même souhaitais-je la place de mon amie ?

Le dernier été, je me trouvais sans amie ni parents. Je devais rester un mois chez mon oncle et ma tante. J'avais 16 ans.
Tous les matins, une fois ma tante partie, mon oncle entrait dans la salle de bain, se déshabillait et se lavait dans le lavabo pendant que j'étais sous la douche. Je n'avais jamais vu de ma vie un sexe d'homme. Au sortir de ma douche, il se frottait à moi et je devais le toucher. Je trouvais cela écoeurant mais c'était le prix à payer pour avoir le droit d'aimer. J'ai commencé ensuite à me sentir coupable envers ma tante. Cependant, je ne voulais pas décevoir mon oncle.
A partir de ce moment, j'ai pensé qu'aimer condamnait à donner son corps. J'ai donc décidé que mon corps ne m'appartiendrait plus.
Mon oncle était guide, nous sommes partis pour une semaine faire le tour d'un massif montagneux. Une nuit dans un refuge, il est venu se coucher à côté de moi. C'est dans ce lieu que le viol a eu lieu , sans violence ( je veux dire sans résistance de ma part ) et avec une grande discrétion. J'étais tétanisée. C'était ma première expérience sexuelle. Le lendemain matin je me sentais glauque et sale ( je n'avais aucun moyen de me laver ) . Lui me disait : tu verras cela sera de mieux en mieux...Il y a eu d'autres fois, chez lui...
Ce qui me surprend encore, c'est la capacité d'adaptation du cerveau. J'étais anesthésiée. Un cerveau gelé, un cerveau mort... Je n'ai jamais eu de plaisir.
L'année d'après j'y suis retournée, nous ne nous sommes pas parlé. Par la suite je ne l'ai plus revu .

Il m'a fallu vingt ans pour comprendre la manipulation. La lente approche du prédateur. Il a utilisé mon innocence, ma jeunesse, mon amour et ma détresse de fille en recherche d'un père pour aboutir à ses fins : assouvir ses pulsions sexuelles.

Il m'a fallu 20 ans, pour comprendre. Vingt ans pour ne plus me sentir coupable et responsable. Vingt ans pour admettre que je n'y pouvais rien, que ce n'était pas à moi de poser l'interdit. Comme toutes les jeunes filles en plein Œdipe, j'ai testé le mâle et j'ai trouvé le mal.
Vingt ans pour comprendre que je ne pouvais plus vivre avec ce secret, ce poids, cette torture. Vingt ans pour oser sortir le bout de mon nez et commencer à parler.... Vingt ans pour mettre un mot sur cet épisode de ma vie : Viol à caractère incestueux.
L'homme que j'ai épousé est un homme patient. Il aura attendu vingt ans pour voir naître chez moi, le début d'un plaisir sexuel.
Je le remercie d'être toujours présent et surtout de m'avoir offert quelque chose que j'imaginais à jamais perdu.

Mordaza

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