jeudi

Se reconstruire après un viol.

Pour commencer, je me vois dans l'obligation de faire partager aux lecteurs le lourd fardeau qui est le mien.

Je suis une femme violée.
Ce viol a été commis par un des membres de ma famille, le mari de ma tante Valérie, Greg.
Après 30 ans de souffrance, je me décide enfin à ôter le bâillon qui m'empêche de respirer et de parler.

Il y a quelques années de cela, dans l'espoir de rendre à César ce qui appartient à César, j'ai adressé un courrier à ma tante Valérie, lui exposant les faits et souhaitant au départ juste un peu de compréhension.


Mon père a réagi à ce courrier en des termes qui me laissent encore stupéfaite.

J'ai vraiment besoin de comprendre et à deux c'est mieux, la deuxième étant ma sœur avec qui je vais faire ce chemin.


Mordaza


Voici les courriers, début de mon histoire.

Lettre à ma tante :

Chère Valérie,

Il y a maintenant bien longtemps que je ne donne plus de nouvelles. Et pourtant j'ai beaucoup de choses à te dire. Le temps des explications est venu pour moi.
Mon histoire commence chez toi, quand j'avais 12 ou 13 ans. Je t'aimais beaucoup, j'aimais aussi beaucoup Greg. Celui ci profitant de mon attirance de jeune fille pour lui, a commencé à cette époque des choses bizarres avec moi. Caresses, baisers... Vers 15 ans il me prenait la main en cachette, m'embrassait sur la bouche... L'année où je suis venue longtemps chez toi, une nuit dans un refuge, il m'a sautée dessus et m'a violée. Ce fut bien entendu ma première expérience sexuelle. Ensuite, à chaque fois que tu sortais, il en profitait, dans ton lit, dans la chambre d'amis, dans la salle de bains... Moi je trouvais cela normal, il avait sur moi une telle emprise que je ne pensais pas à mal.
Le problème est venu bien plus tard, quand je me suis retrouvée avec au fond de moi ce malaise, ce dégoût, cette haine des hommes. Quand j'ai compris que ma sexualité était perturbée, que le visage de Greg m'envahissait sans arrêt, que je ne pouvais plus te parler, que je cherchais à fuir la famille.

Un jour, j'en ai parlé avec mes parents, mon père a répondu que je l'avais cherché. Je me suis sentie replongée dans ma honte. Aujourd'hui je n'ai plus honte.

Tout ceci est écrit sans haine, sans rage, sans colère, juste le besoin impérieux de dire la vérité, de remettre les choses dans l'ordre.
Si tu veux m'aider, je recherche l'adresse de Greg afin de lui faire part de la marque profonde qu'il a laissé en moi et lui rappeler que ce qu'il a fait est un viol à caractère incestueux. Ma guérison passe obligatoirement par cette démarche.

Comme tout le monde, je mourrai un jour, je ne veux pas partir avec ce lourd secret, je ne veux pas laisser derrière moi, des non-dits, des mensonges, des blessures. Je veux pouvoir vivre libre et heureuse dans un monde déjà rempli de chagrin.

En espérant vraiment de tes nouvelles, en espérant aussi renouer avec toi, que tu me comprennes et que tu m'acceptes telle que je suis.

Je t'embrasse

Mordaza



Et voici une partie de la réponse de mon père au courrier écrit à ma tante. Je n'ai changé aucun mot.


Quant au courrier adressé à Valérie, je pense effectivement que lui annoncer qu'elle était cocue il y a 25 ans, relève d'une démarche perverse et dégueulasse.

Ta tante n'a pas besoin de cela, et tu dois savoir que tes traumatismes et mal-être doivent être réglés (auraient dû !) en toute conscience, avec les personnes concernées, soit toi et Greg.

Le chemin du bonheur passe avant tout par toi, certainement pas en allant chercher des boucs émissaires plus ou moins lointains.....

Ton père.



Je croyais être guérie mais je comprends que non. Encore une fois, j'avais enfoui.
A te relire, toi, mon père, la fureur à nouveau se répand en moi.
Comment as-tu osé ? Ta réponse est immonde et referme, une fois de plus, la porte de la prison dont je tente, depuis 20 ans, de m'extirper.
Jamais je ne pourrai te pardonner .
Quel être humain es-tu pour ainsi te comporter ?

Je suis la victime d'un viol et tes mots me dégoûtent. J'ai envie de vomir. De te vomir, de hurler, de pleurer, de te tuer.
Toi mon père, celui dont je devrais être fière, le mur contre lequel j'aurai dû pouvoir m'appuyer.
Tu me répugnes, tu m'écœures, tu ressembles à mon violeur. Je te sens complice de cet homme et je te hais. Jamais mes cris ne seront assez puissants pour expulser cette rage, jamais mes sculptures ne pourront traduire cette haine que tu viens réveiller chez moi à chaque fois que tu uses de parole.
Tes mots dégoulinent. Ils m'empestent, m'empoisonnent, me polluent, me gangrènent, m'infectent, ils me pénètrent et me violent à nouveau.
Je te hais.

Mordaza

Souffrance d'une femme


Peinture: Mordaza 2008

A deux, c'est mieux...

Ce soir, j’ai pris ma position favorite, c’est également la tienne : les pieds sur ma chaise, les jambes recroquevillées sur ma poitrine, la tête penchée vers le clavier… C’est toujours ainsi que j’écris… C’est aussi ainsi que je te revois lorsque tu regardais la télé en caressant Rosco et ainsi que je t’ai toujours imaginé aux toilettes. J’avais un peu honte d’être témoin de ton intimité mais chaque fois que je passais derrière toi, je nettoyais les traces de tes souliers sur le rebord du pot…comme pour effacer ma gêne et surtout pour te protéger. J’avais alors le sentiment d’entretenir secrètement notre complicité. Jusqu’au moment où j’ai compris que je n’étais pas la seule à connaître ta méthode de défécation : maman te criait dessus parce qu’elle ne pouvait plus supporter de devoir faire le ménage des chiottes plusieurs fois par jour… (Une chance pour elle, ça aurait pu être pire, si je m’y étais mise moi aussi. J’avoue avoir tenté l’expérience mais je m’éclaboussais les fesses. J’en avais d’ailleurs conclu que ta merde devait sans doute être plus légère que la mienne…). Maman devenait plus hystérique encore lorsque tu niais et rejetais contre elle ses accusations. En réalité, maman avait parfaitement raison. Il faut admettre qu’une telle pratique peut sembler étrange, en tout cas, elle demeure marginale mais moi, je ne te reprochais rien, je n’aurais jamais osé te dire un mot à ce propos. Et même si maman savait ce que tout comme toi et moi savions, je préférais garder le silence, avec des yeux remplis d’admiration et d’adoration devant ton « one man show » intitulé : manipulations, mensonges et trahisons. Car même si je devais rester cachée dans les coulisses, c’était encore mon seul moyen de préserver ma place dans ton spectacle. Pour rien au monde, j’aurais risqué que l’on me retire le rôle de ta complice… Aujourd’hui, au lieu de me mettre en colère et de hurler comme maman pouvait si bien le faire, je me moquerais et rirais de toi… C’est plutôt drôle cette façon de chier, tu ne trouves pas ? C’est vrai, quand j’y pense à présent ça me fait rire… Mais à bien y penser, non, peut-être pas, peut-être toujours pas, jamais peut-être j’aurais l’audace de rire de toi… Jusqu’ici, je n’ai pas encore été capable de te parler, ni de ça, ni du reste. Aujourd’hui comme hier, je me tais. Parler signifierait t’humilier, te ridiculiser, te rabaisser, t’obliger à faire face aux aspects de ta personnalité les plus grotesques, les plus absurdes et pitoyables. Et puis, pourquoi pas ? Toi, tu n’as jamais renoncé à utiliser ton sarcasme envers moi ?!! Oui, mais justement, c’est à cause de tout ce sarcasme devenu intolérable à un point tel que je m’empêche depuis toujours de te dire tes vérités parce qu’il me semble évident que tu pourrais me tuer.


Je suis assise comme je le fais toujours dans ta position… Et si celle-ci coupe ma respiration, étouffant ma poitrine et mon ventre et retient la circulation sanguine, engendrant douleurs dans mes jambes et mes pieds, au point où j’aurais bientôt peine à les utiliser, me mettre debout et marcher… je sais maintenant pourquoi je trouve autant de confort dans cette position aussi inconfortable : cela me fait mal de te dire que tu me fais chier !


Parce que lorsque j’étais enfant, j’ai espéré naïvement recevoir de l’amour, de la confiance et de la reconnaissance en ramassant toutes tes merdes, tout ce que je récolte à présent est toujours bel et bien de la merde. Comment ai-je pu croire encore à mon âge à un tel tour de magie ? Comment une idée à ce point absurde, ait pu encore m’effleurer l’esprit ? Qui serait assez stupide pour croire que de la merde puisse un jour se changer en Amour ? Mais pire encore, qui, après avoir fait l’erreur d’ouvrir son coeur rien qu’une seule fois, à ne serait ce qu’un échantillon microscopique de merde, pourrait l’accepter une seconde fois ? Personne, sinon moi… Et je ne me contente pas seulement de sentir son odeur nauséabonde, je la respire à plein poumons, je la goûte, la savoure, la dévore, je l’enduis par couches épaisses sur tout le corps, je me roule dedans, je plonge en elle profondément, je m’y noie.


Je sais déjà comment tu répondrais à ces questions : je suis malade, folle, faible… Comment dis tu déjà ? C’est quoi ta réponse exactement ? Ha oui : je suis fragile psychologiquement… Et là, même si tu te gardes bien d’exprimer tes paroles infectées de venin, ton visage trahit tes pensées. Tu ricanes, sûr de toi, face à ma colère que tu crois passagère. Tu crois que ma rage ne pourra t’atteindre mais au contraire, continuera comme toujours à me détruire.


Prépare toi, je vais te surprendre. Je te chie dessus et te le dire me fait déjà un peu moins mal. Je ne suis ni faible, ni seule, ni vulnérable et encore moins désespérée et invincible, ma colère m’accompagne et grâce à elle, je vais me tenir debout et reprendre possession de tout mon pouvoir, ma puissance et ma liberté.

Mordaza soeur

Autorité malveillante, pesante et destructrice.


Peinture: Mordaza 2008

Femme bâillonnée


Sculpture: Mordaza 08/09



Femme enfant, enfant mort,
Fille d'une femme
Femme d'un jour, de jamais, de rien, de toujours.
Femme d'une nuit
Nuit obscure, nuit sans fin
Sans lendemain.
Femme auto détruite
Ecorchée, rongée, violée, mutilée, amputée
Femme souillée
Utérus autoclave, plaisir avorté.
Femme d'une vie
autocentrée, ravagée par l'autorité
Auto intoxiquée

Reprendre l'autoroute
Auto allumage disjoncté, auto amorçage scotché
S'en tamponner
S'auto immuniser

Femme d'ici, femme d'ailleurs
Corps meurtri, corps inerte

A jamais déchiqueté

Femme de toujours, femme de jamais, femme de rien, femme de tout

Femme d'un cri, déchiré, révolté, incompris,
s'auto mutiler et un jour

S'accepter ou se retirer.

Mordaza

lien: femmes violentées

La prison n'est pas pour celui que l'on croit.


Sculpture et photo: Mordaza
Sculpture Mordaza 2008


La tempête déverse son flot de folie
La colère gronde et m'envahit
La rage au coeur du corps meurtri
Au lointain, anéanti

JE ME SOUVIENS

Tes yeux rouges et hagards, tes mains tremblantes et bleues
Ton sourire satyrique ou ton rire tyrannique
Ton visage fermé, tes gestes déplacés
Tous tes mots destructeurs, tes mensonges ravageurs
Une violence infinie, mon angoisse, ta folie
Le monstre de mes nuits, la terreur de ma vie

Blottie dans l'escalier
Tapie dans le grenier
Silencieuse, étouffée
Ton enfant je l'étais


Quel enfant étais-tu, toi qui n'a rien compris ?
Quel enfant étais-tu pour me voler ma vie ?

Que mon corps éventré au sein de cette mer
s'abreuve lentement du nectar apaisant
d'une vie... loin de toi.


Mordaza

Femme violée

Sculpture et photo Mordaza



Je voudrais mettre des mots sur ce que le viol représente pour moi. Je n'y parviens pas encore mais je crois que cela donnerait à peu près ça...

Violence familiale

Sculpture Mordaza

Je viens de me réveiller.
J'ai fait un drôle de rêve, j'étais dans la maison en Bretagne et je cherchais la clé. Une vraie clé, pour ouvrir la porte. J'ai tout renversé et je criais: cette clé est ici cachée !

En ouvrant les yeux, j'ai saisi. C'est par là-bas que je dois chercher. De cette maison va sortir une clé, celle qui devrait m'aider à comprendre. Je veux trouver.

Ce viol est familial. Quelqu'un m'a d'abord bâillonnée.

Je vois des dunes, je vois du sable et je le vois, lui, mon père, se rouler dans ce sable, rire et chahuter. Je vois aussi que la jeune fille avec qui il riait, n'était pas moi. Mais je vois pire. Je le vois la toucher, la caresser, l'embrasser. Cette jeune fille était mon amie, elle avait environ 15 ou 16 ans , j'en avais 12 ou 13.
C'étaient les vacances de la Toussaint, il pleuvait...
Mon père avait décidé de nous emmener mon amie et moi, dans cette maison. Maman devait travailler. Ma sœur était-elle là? Je ne me souviens pas mais je pense que oui.
Durant le trajet, il riait, il chantait. Je ne l'avais jamais vu comme cela. J'imaginais bien que ce n'était pas ma présence qui le rendait si gai et mon cœur a commencé à se serrer. Et ma bouche a commencé à se fermer.
Nous sommes arrivés.
Il a déployé une énergie que je ne lui connaissais pas pour nous sortir, pour nous amuser. Il ne nous quittait plus. Je n'ai jamais eu autant de cadeaux de ma vie.
Ce n'était plus mon père. Mon père ne s'occupait jamais de moi.
Un matin, il a décidé de nous emmener sur cette plage. Une plage de dunes. Il voulait creuser un grand trou pour enterrer mon amie. Comme un enfant, il se roulait dans ce sable... Et je l'ai vu, ses gestes déplacés, son regard immonde, ses mots... et j'ai compris.

J'étais bâillonnée. C'était mon amie, je n'ai pas osé lui en parler.

Quand nous sommes rentrés, j'étais emmurée.

Il n'aimait plus maman depuis longtemps. L'a-t-il seulement aimée ? Il la faisait souvent pleurer, je la voyais se débattre et je ne voulais pas en rajouter. Il le savait.
Il lui disait, tu es malade, tu es folle à chaque fois qu'elle se sentait manipulée.

Je crois que maman l'aimait.

Moi, je tenais entre les mains de quoi faire exploser ma famille. Il n'était pas vraiment débile. Un enfant ne détruit pas sa famille. J'ai avalé l'explosif si gentiment offert à moi,
et je suis devenue la complice de ses actes réprimandés par la loi.
Le bâillon et la culpabilité !!
Il pouvait tranquillement continuer ses saloperies, plus jamais je ne l'ouvrirais.



Moi, contrairement à lui, je l'aimais. J'aurais tout donné pour un regard de sa part, pour un câlin, pour un mot tendre. J'aurais tout donné pour qu'il s'intéresse un peu à moi. Je l'aimais comme une fille aime son père.
Il faut beaucoup de temps pour accepter d'avoir aimé un monstre, il faut beaucoup de temps pour décider de ne plus protéger celui que l'on a tellement vénéré.

IL n'est pas mon violeur, il a seulement participé à la pose du bâillon que je dois retirer.

C'est la première fois de ma vie que j'arrive à mettre des mots sur cette histoire. Maintenant je pleure, moi qui ne pleure pas assez. Ma sœur dirait : c'est bien laisse aller...

Il y a la suite, mais pas aujourd'hui, pas maintenant, pas encore. La blessure est trop profonde et mon corps se sent meurtri.

Mordaza

Tyrannie familiale

J'avais , un jour parlé de mon viol à une psychologue et raconté aussi la réaction de mon père et de ma tante suite à ma lettre publiée plus bas.
Voici sa réponse qui me semble très pertinente et qui du moins m'apporte du soutien.



Cela voudrait dire que vous êtes soumise plus ou moins inconsciemment au mécanisme de "rétorsion" qui transmet l'évidence que toute action visant à changer le statu quo de la situation se retournera contre la victime et l'ensemble de la famille ; la rétorsion véhicule l'idée que le mal et ses conséquences sont occasionnés par l'action de la victime visant à se défendre. L'action se retourne ainsi contre la victime qui tente de se défendre : "la situation ressemble à celle de quelqu'un qui serait ligoté de telle sorte que ses mouvements provoquent son propre étouffement".

Dans ces familles apparemment bien structurées, qui offrent un profil "normal", ce sont les révélations d'incestes ou d'abus sexuels qui font apparaître le dysfonctionnement pré-existant : "la particularité de ces familles est, en effet, le décalage entre l'image donnée à l'entourage et ce qui se passe à l'intérieur". Deux auteurs, Reynaldo Perrone et Martine Nannini, respectivement thérapeute familial et éducatrice, soulignent "la caractéristique contraignante de l'image de bien-être que la famille offre à l'extérieur : les enfants sont censés l'entretenir et apportent leur participation active à la mystification montée par les adultes" ; il y règne une véritable tyrannie, parfois diffuse, où les révélations sont toujours présentées comme dangereuses ; le territoire familial peut avoir ses propres lois et échapper ainsi aux lois de la société ; il devient le groupe à protéger en priorité... Et vous êtes vécue alors comme susceptible de trahison.

lien: SOS-femmes

Femme violentée

Sculpture Mordaza


Que reste-il de cette femme une fois mon intimité atomisée ?

Une femme souillée, disloquée, démantelée.

Un nuage de poussière en recherche d'intégrité...


Que reste -il de cet homme une fois mon intimité pénétrée?

Un homme.

Mordaza

L'inceste

L'inceste, tout le monde sait ce que c'est : c'est l'abus sexuel d'un enfant par un membre de la famille, abus fondamentalement destructeur pour la victime, qui faute d'avoir été traité, risque de la conduire à d'importants troubles psychologiques. De nombreuses vies peuvent ainsi se voir détruites à cause d'un abus de ce type dont les effets sur le long terme imprègneront toute la vie de la victime et de ses descendants. Honte, culpabilité, dégoût de soi, autodestruction, dépression, troubles sexuels ou reproduction des faits sur la génération suivante font partie de la triste liste des effets produits par de tels abus qui marquent leur victime à jamais.

Ce que nous apprennent les statistiques sur ce problème, c'est que l'inceste est rarement du fait de la mère, et qu'il ne concerne pas forcément un milieu social particulier, défavorisé par exemple. Mais les statistiques sont à prendre avec la plus extrême précaution, car elles ne prennent en compte que les incestes révélés, qui sont malheureusement très loin d'être les seuls. Honte et culpabilité des victimes s'opposent en effet à l'aveu de l'abus subi, mais peut être encore plus que tout s'y oppose le mode de fonctionnement des familles incestueuses qui se caractérise par un repli social de la famille sur elle-même, dans le " hors la loi ", et une complicité dans le déni, déni de l'acte (c'est pas possible, tu mens, ça n'est jamais arrivé) , de la responsabilité (c'est pas si grave, voire ça ne peut pas lui faire de mal, ça l'initie !). C'est ce déni que l'enfant ou l'adolescent va souvent trouver sur sa route, déni meurtrier qui renvoie cet acte odieux dans l'indicible, l 'incapacité de trouver un sens à ce qui s'est passé, premier pas vers la reconstruction. Un indicible qui n'en fera pas moins des ravages sur la vie du sujet. Il est indispensable que la victime puisse révéler le secret, accéder à nouveau à des émotions qui ne sont parfois plus ressenties, donner un sens à ce qui s'est passé, se débarrasser de la honte et de la culpabilité qui ne concernent de fait que l'agresseur, ainsi que de sa haine et de sa peur afin de pouvoir non pas oublier, mais continuer à vivre malgré ça, sans reproduire le schéma familial pathologique. Un long travail de reconstruction, bien sûr.
Giovanni Battista TIEPOLO (Venise, 1696 - Madrid, 1770)
Apollon et Daphné


Daphné,
par Apollon poursuivie
ne trouve d’autre moyen
de lui échapper
que de se transformer en laurier.
Comme elle,
une femme violée
se rêve,
végétale, minérale,
débarassée de toute féminité,
que son corps meurtri
ainsi transformé
puisse enfin enterrer,
l’outrage et la blessure.

Mordaza

Statufaction, satisfaction, Statufiction...


Sculpture Mordaza 2008



Pourrai-je aimer un jour ?


Je souhaiterais t'offrir ce que je n'ai plus.
J'aimerais te donner ce que l'on m'a pris.
Pourrai-je un jour te laisser m'envahir
sans me pétrifier ?
Pourrai-je un jour te laisser m'approcher
sans me statufier ?
Vivrai-je un jour
un désir sans frayeur , un amour sans crainte ?
Pourrais- je oublier
Juste une fois
Avec toi.


Mordaza

Inceste et rôle du père


Statue Mordaza 2009


Suivant la théorie du Complexe d'Oedipe, les positions de la mère et du père ne sont pas équivalentes. Chez Freud, le père est à la fois objet d'identification primaire, pris d'emblée comme idéal. Il apparaît en même temps, du moins pour le petit garçon, comme le rival parce qu'il tente de s'approprier le premier objet d'investissement amoureux, à savoir la mère. Pour la petite fille, cet objet d'amour est le même, mais la conquête oedipienne du père survient ensuite, la mère apparaissant alors comme rivale. On s'aperçoit qu'il y a une différence entre la figure paternelle du mythe oedipien et la personnalité du père de la réalité familiale. Ce père de la réalité familiale est en fait le père réel. Sa place effective au sein de la famille varie suivant les circonstances, en fonction de son histoire personnelle, mais également en référence à ses origines socioculturelles. C'est de ce père réel, ou de son substitut, qu'on attend qu'il fasse valoir la loi symbolique, celle de la prohibition de l'inceste qui limite et ordonne le désir du sujet. Dans la réalité, on constate que le père réel n'est pas toujours à la hauteur exigible du père symbolique. En 1938, dans un article sur la famille (cité dans le Dictionnaire de la psychanalyse, 1993: 200), le complexe, facteur concret de la psychologie familiale, les complexes familiaux en pathologie, Lacan perçoit dans la carence du père, en tant que fonction, «le noyau de la grande névrose contemporaine»; autrement dit, lorsque le père se montre peu consistant dans l'exercice de cette fonction, l'enfant est confronté à «l'impuissance et l'utopie, marraines sinistres installées au berceau du névrosé».

Les ravages de l'inceste

Le viol n'est pas forcément réel, il peut être psychologique. Les ravages sont aussi terrifiants et tout autant traumatisants. J'ai récupéré quelques écrits de ma soeur qui relatent de manière violente cette souffrance tout aussi destructrice qu'un passage à l'acte.
Mordaza



Il faudrait que je parle de mon problème, de ma gêne, de mon effroi qui sont survenus en ouvrant le paquet de Noël envoyé par mon père, il y a 5 jours.

Ni le dictateur, ni mon père ne voudrait que j’en parle. Il ne faut pas faire de vagues. Il ne faut pas analyser, remettre les choses en question, confronter ce qui est et qui a toujours été. Non, ils voudraient que je me taise… et pour m’obliger à garder le silence, le dictateur reserre sa cuirasse autour de ma poitrine. La panique attire mon attention afin que je ralentisse mon écriture. Lui qui pensait que j’avais consommé assez de blanche pour m’abstenir de toute réflexion, il vient de reprendre son pouvoir en exerçant une pression de mes poumons afin de perturber ma respiration.

Très bien, Dictateur, je t’entends, je t’ai compris, j’ai saisi ta volonté mais puisque je suis seule avec toi et que mon unique confident est mon ordinateur, permets moi de m’exprimer. Je sais malheureusement qu’il ne craint pas vraiment les autres, il a plutôt peur de toutes mes prises de conscience qui pourraient m’encourager à rompre notre relation. Voilà pourquoi il cherche à étouffer ma curiosité.

je voudrais pour le moment ne pas perdre le fil conducteur de mon discours. J’ai donc reçu un colis de mon père…

Non, c’est impossible de poursuivre, je ressens le malaise. J’ai alors envie de légèreté. J’ai envie d’oublier ce que je m’apprétais à dire.

Pis bon, je me lance : en déballant la petite caisse en carton tatouée par la Poste, je découvre des sous-vêtements léopard, d’autres plus sobres, bleus avec un nœud rose (style jeune fille coquine), du champagne « Piper » et des chocolats « mon chéri ». Ça ne faisait aucun doute, ces cadeaux m’étaient bien destinés. Je reste choquée par l’acte incestueux de mon père mais je suis incapable de le remettre à sa place et de lui exprimer mon effroi.


Récapitulons : Le dictateur entre en contact avec moi, alors je fuis dans le silence, je me soumets à lui et pour mieux m’affaiblir devant lui, je consomme. Alors je deviens une victime dans l’agonie et temps qu’il n’a pas joui, il peut me violer toute la nuit...

Oser être femme

Sculpture Mordaza 2009

Ressortir la tête
Repousser la honte
Ne plus se cacher
Ôter le bâillon


N'être plus coupable
Évacuer la peur
Exclure la terreur
Clamer haut et fort
Punir le violeur
Évincer la crainte
Vivre sans se taire
Sortir la douleur
Cracher le venin
Vomir la souffrance
Vider la brûlure
Projeter l'angoisse

Redresser la tête
Trouver le bonheur
Prendre le plaisir
Saisir la jouissance
Sentir le délice

Relever la tête
Oser être femme

Mordaza

Méli-mélo de maux


Peinture Mordaza


Pour ma soeur






Quand mes mots s'emmêlent dans le méli-mélo de tes maux

Quand tes mots se mêlent au méli-mélo de mes maux

Quand nos maux s'emmêlent dans le méli-mélo de nos mots

Tous tes maux se mêlent au méli-mélo de mes mots

Tous tes mots m'emmènent dans le méli-mélo de mes maux

Nos maux s'emmêlent et se démêlent dans ce méli-mélo

Nos mots se démènent dans tout ce méli-mélo

Dans ce méli-mélo se démêlent nos maux

Mordaza

Mon violeur

Je l'ai connu, je devais avoir une dizaine d 'année. Ma tante s'était installée à la montagne avec lui et nous avions fait sa connaissance.
J'aimais beaucoup ma tante. Elle représentait pour moi un modèle de femme idéale.

Rapidement, j'ai voué une admiration à mon oncle qui me semblait grand, fort et beau. Il était véritablement gentil avec moi et j'ai rêvé qu'il pourrait remplacer mon père tellement convaincue que j'étais que le mien ne m'aimait pas.
Il m'écoutait, me parlait. J'étais bien à ses côtés et ne pensais qu'à une chose, y rester.
Nous allions souvent chez eux en vacances, au début avec mes parents ensuite avec mon père puis moi seule ou avec des amies.
J'avais ce désir de le suivre partout de n'être jamais loin. Je me sentais en sécurité, protégée, à l'abri.
Bizarrement pendant les repas, il s'asseyait à mes côtés et frottait ostensiblement sa jambe à la mienne.
Je me souviens du trouble naissant en moi mais l'idée qu'il me prouvait son attachement me rassurait.
Il possédait aussi un discours particulier sur les femmes et sur le plaisir. J'avais 12 ou 13 ans et j'écoutais comme on écoute un mentor.
J'y retournais à chaque vacances avec à la fois ce bonheur et aussi cette douleur au ventre. Une immense joie mêlée de détresse. Un trouble inexplicable sur l'amour que je lui portais . Je le voulais comme père et il me tripotait. Était-ce pour cela que je ne pouvais établir de relation avec mon vrai père ? Une confusion terrible a commencé à s'installer en moi. J'ai senti la culpabilité m'envahir, mais cette situation me rendait différente. Quelqu'un s'intéressait enfin à moi. De plus, personne ne semblait dérangé. Mon père continuait à m'emmener, profitant de la présence de mon amie ( celle des dunes ). Je le voyais user de sa puissance de mâle pour l'attirer dans ses filets. Même si l'étrangeté de la chose provoquait chez moi de la souffrance, je ne pouvais remettre en cause une éducation paternelle. Je connais peu d'enfant de 13 ans capable de détruire le modèle parental. J'ai donc fini par trouver tout cela normal.
Quand j'étais seule, mon oncle m'embrassait sur la bouche entretenant ce fil qui me liait à lui.
J'avais le sentiment d'être grande et d'occuper une place importante. Aujourd'hui, je me dis que cela me rapprochait inconsciemment de mon père. Peut-être même souhaitais-je la place de mon amie ?

Le dernier été, je me trouvais sans amie ni parents. Je devais rester un mois chez mon oncle et ma tante. J'avais 16 ans.
Tous les matins, une fois ma tante partie, mon oncle entrait dans la salle de bain, se déshabillait et se lavait dans le lavabo pendant que j'étais sous la douche. Je n'avais jamais vu de ma vie un sexe d'homme. Au sortir de ma douche, il se frottait à moi et je devais le toucher. Je trouvais cela écoeurant mais c'était le prix à payer pour avoir le droit d'aimer. J'ai commencé ensuite à me sentir coupable envers ma tante. Cependant, je ne voulais pas décevoir mon oncle.
A partir de ce moment, j'ai pensé qu'aimer condamnait à donner son corps. J'ai donc décidé que mon corps ne m'appartiendrait plus.
Mon oncle était guide, nous sommes partis pour une semaine faire le tour d'un massif montagneux. Une nuit dans un refuge, il est venu se coucher à côté de moi. C'est dans ce lieu que le viol a eu lieu , sans violence ( je veux dire sans résistance de ma part ) et avec une grande discrétion. J'étais tétanisée. C'était ma première expérience sexuelle. Le lendemain matin je me sentais glauque et sale ( je n'avais aucun moyen de me laver ) . Lui me disait : tu verras cela sera de mieux en mieux...Il y a eu d'autres fois, chez lui...
Ce qui me surprend encore, c'est la capacité d'adaptation du cerveau. J'étais anesthésiée. Un cerveau gelé, un cerveau mort... Je n'ai jamais eu de plaisir.
L'année d'après j'y suis retournée, nous ne nous sommes pas parlé. Par la suite je ne l'ai plus revu .

Il m'a fallu vingt ans pour comprendre la manipulation. La lente approche du prédateur. Il a utilisé mon innocence, ma jeunesse, mon amour et ma détresse de fille en recherche d'un père pour aboutir à ses fins : assouvir ses pulsions sexuelles.

Il m'a fallu 20 ans, pour comprendre. Vingt ans pour ne plus me sentir coupable et responsable. Vingt ans pour admettre que je n'y pouvais rien, que ce n'était pas à moi de poser l'interdit. Comme toutes les jeunes filles en plein Œdipe, j'ai testé le mâle et j'ai trouvé le mal.
Vingt ans pour comprendre que je ne pouvais plus vivre avec ce secret, ce poids, cette torture. Vingt ans pour oser sortir le bout de mon nez et commencer à parler.... Vingt ans pour mettre un mot sur cet épisode de ma vie : Viol à caractère incestueux.
L'homme que j'ai épousé est un homme patient. Il aura attendu vingt ans pour voir naître chez moi, le début d'un plaisir sexuel.
Je le remercie d'être toujours présent et surtout de m'avoir offert quelque chose que j'imaginais à jamais perdu.

Mordaza

Tyrannie familiale suite



Suite au courrier envoyé à ma tante ( à relire en haut du blog ) ma sœur s'est immédiatement ralliée à ma cause, ma mère s'est excusée mais les premières réactions de ma tante et de mon père n'ont fait que réactiver mon envie de porter plainte contre mon oncle. C'est ce que j'ai fait.
Peut-être que si j'avais eu une main tendue, si j'avais eu la possibilité de m'expliquer, si je n'avais pas été considérée comme une menteuse, perverse et dégueulasse, si j'étais devenue victime et non coupable peut-être aurais-je réussi à pardonner.
Ce n'est plus le cas.

Un jour, je pardonnerai à mon violeur, je lui trouverai des excuses, la bêtise, la pulsion, l'ignorance, la mauvaise éducation...
Mais comment pardonner à ceux qui n'ont pas voulu m'entendre et qui s'évertuent à vouloir occuper une place de victime utilisant jour après jour mes souffrances sans jamais le moindre retour sur eux mêmes ni la moindre clémence .

Afin que le lecteur puisse juger par lui même , j'ai recopié un peu en vrac des extraits de tous les courriers reçus qui font de moi la coupable et qui referment une fois de plus les portes de ma prison...

Mordaza

Mon père s'adressant à moi:

Quant au courrier adressé à Valérie, je pense effectivement que lui annoncer qu'elle était cocue il y a 25 ans, relève d'une démarche perverse et dégueulasse.
Ta tante n'a pas besoin de cela, et tu dois savoir que tes traumatismes et mal-être doivent être réglés (auraient dû !) en toute conscience, avec les personnes concernées, soit toi et Greg.
Le chemin du bonheur passe avant tout par toi, certainement pas en allant chercher des boucs émissaires plus ou moins lointains.....

Etrange d'avoir choisi de maintenir pendant des années une situation délétère, sans déclencher une réunion de famille officielle.

Je vais rencontrer Greg, car je veux savoir ce qui s'est passé...
« Tu cours rencontrer Greg » dis tu à ton père. Sache que lui non plus n'a pas l'adresse de Greg. Vérifie tes sources, cela t'évitera de te tromper. ( ma tante )


Ma tante Valérie en réponse à mon courrier et suite à ma plainte :

Je préfère occuper mon temps plus agréablement qu'à colporter et entretenir rumeurs, ragots et autres rancoeurs.
Tu as attendu 25 ans pour faire ces aveux ! Et tu n'as jamais eu envie de m'en parler ? La gravité des faits valait que l'on se parle, que l'on se rencontre. Je serais venue immédiatement te rejoindre, n'importe où, nous aurions discuté.
Apprendre, même 25 ans après, que j'ai été trompée ne me fait pas plaisir.
Mais c'est vrai que tu ne me téléphones jamais, pas plus pour me donner de tes nouvelles que pour prendre des miennes, même quand j'étais au plus bas dans mes maladies. Mais je m'égare, le sujet n'est pas là...
Et donc, tu as déposé plainte. Tu as dit que maintenant que tu avais porté plainte, tu allais « enfin pouvoir vivre heureuse ».
Pourquoi au lieu de te sentir soulagée, éprouves-tu encore tant de hargne ?

Ta grand-mère souffre beaucoup de toutes ces turbulences, et je suis très en colère pour la souffrance qu'elle subit maintenant.
Nous avions conclu ensemble un pacte, celui de ne plus évoquer ces affaires.


Mon père à ma soeur dans différents courriers :

Un grand mail de Mordaza à Valérie, exposant son viol supposé par Greg, puis les détails sur leurs relations sexuelles ensuite, à quels endroits, dans quelle position, et la mise en cause de toute la famille, parents, grands-parents, tante, etc, etc.... Frère se tapant (parait-il) ses copines.....Faux, complètement faux !!!

Comment s'appelle celà ? Un travail sur soi-même pour être mieux?
Non, c'est du réglement de compte, de la vengeance, et c'est dégueulasse .... Voilà ce que je pense...
Mais je ne compte plus laisser là, cette affaire....Et j'irai plus loin, il y a un abcès dans cette famille, qui doit être crevé...

Quand, on balance à Valérie les aventures de Greg, je maintiens que cette démarche est perverse et dégueulasse....

Mais, ..... En quoi es-tu concernée par tout celà ?? Pourquoi interviens-tu à ce propos avec autant de véhémence ?? Tu m'avais habitué à des analyses beaucoup plus pondérées et objectives...

Valérie , après des années de silence, a été extrêmement choquée de recevoir un simple mail pour relater des faits aussi graves, dans lesquels elle n'était pas impliquée, accompagné d'une consultation « vite fait » de la psy de service sur internet. (Bien sur, cela fait officiel, mais après 7 ans de psychothérapie, de qui se moque-t-on ?)
Pourquoi ne pas avoir parler spontanément à Greg, très facilement joignable et connu à différents endroits.... Pourquoi ne pas s'être adressé à lui ? C'est manifestement la seule personne, à l'heure actuelle, qui n'a jamais été directement contactée pour répondre de ses actes !! !

Mais peut-être préférez-vous tourner en rond en vous gargarisant de cancans, d'accusations et de jugements à l'emporte pièces, et de continuer à attribuer aux uns et aux autres des paroles qui n'ont jamais été dites ou que vous déformez.

J'entends la souffrance de Mordaza dans sa vie actuelle, mais je maintiens que sa démarche est dégueulasse, elle est aussi perfide et lâche, car elle lance des accusations extrêmement graves
en le faisant savoir à un maximum de gens, qui se trouvent ainsi impliqués, et qui ne pourront jamais se défendre

Ma tante à ma soeur :

Et ce d'autant plus qu'il y a "par ailleurs" un travail de sape et de déstabilisation familiale particulièrement méprisable.

Et plus tard dans un autre message :

Je n'ai jamais dit que je considérais sa plainte comme « un sabotage familial » comme tu l'écris dans ton dernier mail .....

Femme debout

Sculpture : Mordaza 2010

Lettre à une inconnue

Comme je l'avais dit plus bas, il est difficile d'oublier, d'être réellement apaisée, d'être définitivement calmée. La blessure se réveille parfois et telle un raz de marée, vient balayer le présent.
Aujourd'hui, quelque chose a ravivé la douleur qui sommeille toujours dans le ventre de ma sœur.
Parallèlement ce quelque chose ressemble à l'expulsion d'un morceau du bâillon avalé il y a longtemps.
Un retour vers le passé, un retour obligé, un retour engendré par ceux qui ne veulent toujours pas entendre , ni comprendre et qui reviennent inlassablement détruire ce qui, pierre après pierre se reconstruit.
La lettre que j'ai reçue de ma sœur est une lettre adressée à la femme de mon père. Cette fois, c'est par elle que le mal revient, que le mâle tente son approche...Qui est cette femme ? Je ne le sais pas, je ne la connais pas... J'en ai rencontrée beaucoup mais pas celle-là.

Personne ne recevra jamais cette lettre...




Danielle,

J’aurais aimé que tu restes à ta place car jamais je n’aurais voulu écrire cette lettre... Mais, tu t’es mêlée de ce qui ne te concernait pas alors je vais me permettre... avec tout mon respect et ma sympathie.

J’ai été très surprise de ton message au sujet de ma grand-mère. J’apprécie tes efforts de rapprochement avec elle. Les dernières fois que je lui ai parlé, elle me disait qu’elle ne te voyait jamais, qu’elle ne te faisait pas confiance, qu’elle n’aimait pas ton rire hypocrite... Mais tu sais, dans cette famille, on ne peut se fier à tout ce qui se dit...

Je te plains beaucoup de te voir ainsi la marionnette d’un manipulateur. Je sais que les mots contenus dans ton message ont été dictés par mon père. Et je ne peux t’en vouloir car j’ai moi-même souvent été victime de ce genre d’abus. Mon père allait même jusqu’à acheter des cartes postales de New York à chacune de ses visites. Cela lui permettait de me les envoyer au besoin. Mon devoir était d’y écrire un mot sous le sien et de la poster à une de ses femmes qui le pensait ainsi avec moi alors qu’il profitait d’un séjour sous les tropiques avec une autre. D’autres lettres aussi, écrites de sa main, que je devais recopier pour faire croire qu’elles venaient de la mienne... Il se servait de moi pour mentir encore davantage auprès de femmes qu’il ne cessait de trahir. Mais que veux tu ? J’aimais tellement mon père... au point d’être complice de toutes ses trahisons et de toujours me taire. Et puis, je voulais surtout l’aider, le sortir du pétrin. Il me racontait comment il était malheureux, victime de femmes jalouses, hystériques, folles et dépressives... Je le croyais !

Pendant des années, j’ai connu le même scénario. Je te passe des détails sur toutes les conquêtes qu’il a pu avoir après son divorce... Ses secrétaires, ma prof de gym, des filles rencontrées à l’époque sur minitel.... Toutes y passaient. À New York, il m’a présenté une femme différente à chacun de ses séjours... Il attachait une grande importance à mes avis... Pourtant, la dynamique était toujours la même. Une semaine dans un grand hôtel... achat d’un beau bijou (en général, une bague), promesse de mariage, éventuel projet d’adoption d’un Éthiopien... Des femmes de toutes les grandeurs, tous les âges, cheveux longs, courts, blonds, bruns... Plein de femmes... Et toutes charmantes avec moi, généreuses, souriantes, amicales... Et puis, 2ème rencontre, souvent lors de mes vacances à Perpignan, c’est la dégringolade... Les femmes me méprisent, me croient jalouse d’elles, m’infantilisent, s’adressent à moi comme à une pauvre fille faible et fragile d’esprit...

À l’adolescence, je n’osais plus inviter des amies à la maison. Elles me disaient que mon père les mettaient mal à l’aise. Plus tard, une de mes collègues de travail avec laquelle j’étais partie en vacances à Perpignan ne m’a plus adressé la parole. Elle faisait circuler au bureau que mon père était un mac, un espèce de malade qui avait voulu la baiser. Aujourd’hui encore, lorsque je dis à mes vieilles amies que je ne parle plus à mon père, elles déballent enfin leur sac. Elles me racontent comment elles se sont faites draguées outrageusement par ce dégueulasse. J’ai honte.

Voilà, pour moi, tu n’es rien d’autre qu’une autre dans toute cette masse.

Je t’ai vu rire en le voyant m’inventer la recette de mon souper d’anniversaire. Tu trouvais cela sans doute mignon... Juste un petit mensonge de rien du tout. À mes yeux, pathétique son acharnement à me convaincre de son talent à cuisiner une sauce béchamel à défaut de l’authentique sauce au vin livrée par le traiteur. Mignon, attendrissant, touchant, craquant... tu n’as aucune idée à quel point il peut mentir sur tout, tout le temps. Ainsi, tu ne pourras jamais envisager le fait qu’à l’époque ou il t’a rencontré, il en fréquentait une autre à Paris, et qu’il tentait de faire entrer en France une Russe, rencontrée sur internet. Je le sais, car il m’avait demandé de fournir des papiers personnels pour faciliter son immigration. Le jour ou il m’a annoncé votre mariage, il m’a dit : “la Russe est beaucoup mieux, mais c’est trop difficile de la faire venir ici...” Alors, excuse moi si je n’ai pas été réjouie par la grande nouvelle... Je te voyais comme un tas de viande que l’on achète à la boucherie... D’autant plus, qu’un an auparavant, il était déjà dans les préparatifs de son mariage avec Dominique. Trois semaines avant le jour J, elle est partie brutalement sans explication. Je n’ai jamais bien su ce qu’il s’était produit. Mon père m’a tenu l’habituel discours : une folle, hystérique, dépressive et en plus, libertine. Tu peux demander à ton gynéco, Patrick, pour connaitre la vérité, il semblerait qu’elle se soit enfuie avec lui... En te sachant traitée par le même médecin, mon père s’en est d’ailleurs tout de suite inquiété... Il est probable qu’il t’ait recommandé d’en changer. Éloigner, disperser les personnes de son entourage... Les remonter les unes contre les autres, les faire se détester entre elles... Voilà la stratégie de ce monstre pour ne pas se faire démasquer.

Ma démarche te paraitra sans doute perfide, lâche, dégueulasse, perverse (pour reprendre ses mots)... Elle le sera aussi longtemps que tu me penseras être la traitre, la menteuse, la folle... Tant pis pour toi... Je n’ai aucunement le désir de t’ouvrir les yeux... Ce serait un effort en vain. Il arrivera un jour où tu te sentiras confuse, comme dans un brouillard permanent... Tu percevras un décalage entre ton senti, ton ressenti, ton intuition et ce que ton mari te dit... Tu perdras la confiance et l’estime de toi... Tu ne comprendras pas pourquoi tu as perdu ta joie de vivre. Et tu te diras que tu es folle, hystérique, dépressive... Et malheureusement, tu te dévaloriseras sans jamais remettre en cause les perversions de ton mari. Confuse, tu l’es déjà... Tu te demandes comment un être si aimant, si parfait, peut être la cible de tant de mépris de la part de ses filles... Ne nous connaissant pas, tu n’as aucune réponse... Tu te contentes alors de croire qu’il s’agit bien d’une conspiration mondiale dirigée contre lui... Ma mère, mon beau frère, les psy, tous se sont alliés pour anéantir ce semi Dieu... Tous possédés par la haine et la jalousie !! Confuse parce que déjà, tu ne cherches plus à accéder à la vérité. Tu bois les paroles du messie sans même chercher les preuves de son discours. As tu lu notre correspondance ? Non, je suis certaine que non... Il te l’a raconté à sa sauce et tu l’avales les yeux fermés... Confuse parce que la béchamel n’a ni l’odeur, ni le gout du vin mais tu préfères croire aux apparences plutôt que de te savoir trompée. Confuse parce que ses filles semblent t’agresser alors qu’il t’a juré faire partie d’une famille harmonieuse et aimante, sans problème. Confuse de ne rien comprendre à ce que tu perçois comme de la méchanceté gratuite... Confuse de subir tant d’injustice... Je te plains car j’ai connu cette confusion une grande partie de ma vie. Je suis libre maintenant et je tiens à le rester.

Ma liberté repose sur l’honnêteté et l’authenticité. Je sais gérer l’humiliation et la culpabilité lorsque je comprends la nécessité de demander pardon à ceux que j’aime mais que j’ai pu blesser.

En choisissant cet homme, tu t’es engagée avec le diable... Tu lui as juré de l’aimer pour le meilleur et pour le pire. Ce n’est pas mon problème. Je ne veux pas être témoin de ta destruction... Je n’agis que dans le souci de ma propre reconstruction. Aussi, je me tiens loin du diable. Élevée par ce père vampire, je n’ai pas eu le choix... J’ai dû simplement le subir... Cependant, aucune loi ne m’oblige à rester sa victime. J’ai donc trouvé le meilleur en me coupant de lui... Le pire est derrière moi. Mon père est mort, j’ai fait mon deuil.

Je te demande donc, une dernière fois, de me laisser tranquille. JE NE VEUX PLUS AUCUN CONTACT ni avec toi, ni avec mon père... Je compte sur toi pour faire régner ce souhait, même si tu ne le comprends pas... Je t’espère assez intelligente pour saisir que ma décision résulte de raisons personnelles dans le cadre d’une relation établie entre une fille et son père... Reste donc à ta place, aussi confuse que tu puisses le demeurer.


Mordaza soeur

Ces deux courriers sont les réponses envoyées personnellement à ma soeur et à moi par mon père suite à la lettre précédente publiée de façon anonyme sur ce blog.


Mordaza,

Quel courage, mais surtout quelle honte...

N'ayant jamais eu le courage d'accepter une conversation en face à face, tu te sers de mails et de blogs derrière lesquels tu te retranches, et, mélangeant certaines situations réelles à des propos mensongers, tu déverses tes torrents de haine.  Pour régler tes problèmes ? Allons-donc, à qui veux-tu le faire croire, à part à ton petit clan de médisants hargneux ?

Haine contre moi, ok...Tu as le droit de ne pas aimer ton père, même si lui, t'a toujours aimé ...  Mais, haine à l'égard d'une mamie en fin de vie qui a toujours adoré ses petites filles, haine contre ma femme que tu ne connais pas, haine contre ta tante qui a toujours été adorable avec toi...  Honte à toi ..

Qu'espères tu donc, ma fille  ???   Que crois-tu obtenir ???  Des dizaines de personnes me connaissent depuis plus de 30 ans et savent qui je suis....    N'attends pas de ton attitude qu'il en découle de bonne choses pour toi et ton petit groupe,  crois moi....

Je t'affirme  que ni ta soeur, ni toi, y gagnerez quelque chose à ce jeu monstrueux, vraiment pas, crois-moi....Et je dirai, bien au contraire...

Car, comble de courage, tu envoies ta soeur, petit chien de garde à ton service, pour déverser des torrents d'injures et de mensonges à ma femme... Honte à ta soeur, bien sùr, tellement facilement manipulable, mais honte à toi, que je prenais pour une femme raisonnable et intelligente.   Oses-tu te regarder encore dans la glace ??

Peut-être tellement sure de toi, de "ta" moralité, de grandes théories et discours bidons sur la vie ?? Que s'est-il passé chez toi pour en arriver là ??....

J'ai honte pour toi, et la seule chose que je puisse faire maintenant est de te plaindre très profondément, ainsi que ta soeur.

N'attendez rien de moi maintenant,... sur tous les plans...  Et à jamais....

Une remarque : j'aime ma femme, et je finirai ma vie avec elle car l'entente est parfaite.  Je ne t'autorise à aucune attaque ou allusion perverse à son encontre.  Occupe toi de ce qui te concerne, de ta vie, de ton bien être, tu as largement de quoi occuper ton temps.

Transmets tout celà à ta petite chienne de garde, celà m'évitera de m'abaisser plus... Mais connaissant votre équipe de démolition, je suis certain que ce sera fait dans les plus brefs délais.

Ton père



Mordaza soeur,

Plus aucun contact, tu exiges celà ?  Tu insultes, tu mens, tu calomnies, tu isoles tes enfants de leur famille, tu laisses tomber une mamie qui t'a toujours adoré, tu pratiques la délation en calomniant ton père auprès de sa femme ??? Et tu ne veux plus de contacts ??? En quel honneur ? Tu crois, dans la famille qu'on se laisse taper dessus sans rien dire, sans prendre de décisions ?

Tu as qualifié toi même ta démarche... Perverse, perfide, dégueulasse....Là, tu es lucide..J'ajouterai odieuse, venant d'une petite fille gâtée qui n'a pas su grandir, et qui, à la première occasion trahit son père qui a pourtant toujours été là pour elle.....Tu n'es pas manipulée, toi, peut-être ?
Ose me mettre en contact direct avec une soi-disant copine que j'aurai draguée ? Ose répéter que je t'envoyais des sous-vêtements en panthère pour mieux jouir.... Ce n'est pas de la calomnie, ça ? Ou simplement un dérangement psychique grave ?
Tu veux me démolir ? Tu auras fort à faire, Mordaza soeur....Tu veux que je fasse pareil à ton égard, que je parle de tous les mecs qui profitaient de toi ?  Des vieux qui t'emmenaient au soleil pour profiter de ton petit corps juvénile, des poivrots, des drogués, des gens de la nuit, des infidèles, de tous ceux à qui j'offrais le resto ou que je baladais à droite à gauche ?
Tu es tombée très bas, ma fille, vraiment très bas, la seule chose que tu sais faire c'est distribuer les injures à travers tes discours fleuve, et la seule chose que je puisse faire, moi, c'est te plaindre vraiment beaucoup.
Ne réponds pas tes fadaises habituelles, ton mail sera détruit avant lecture.
Et n'attendez, dans l'avenir, toi et ta soeur, plus rien de moi... Vous ne méritez aucunement votre père....



Sculpture Mordaza 2010








Ma famille, mon mari, mon fils, mes amis, mes collègues de travail, mes élèves et patients... même des inconnus savent qui je suis aujourd’hui... Je ne cache rien, c’est même ainsi que je me présente sur mon site professionnel : entre 16 et 35 ans, j’ai été une toxicomane consommant toutes sortes de drogues, boulimique, anorexique, dépressive majeure... J’ai connu trois hospitalisations pour overdose... Dépendante affective, j’ai entretenu la plupart de mes relations affectives dans la destruction, les jeux sexuels les plus pervers, les partouzes, l’échangisme, le masochisme... Souffrant d’importants symptômes physiques (vertiges, apathie, migraines, vomissements, palpitations, perte de la vue, tremblements, crises d’angoisse, évanouissements, problèmes gynécologiques), ma vie se résumait à des consultations chez les médecins, les spécialistes, les psy, les groupes de thérapie... Incapable de prendre mes responsabilités et de satisfaire mes besoins de base, il m’était impossible de travailler... J’ai souffert du manque d’argent, de l’isolement, victime de l’incompréhension de mon entourage...
J’ai volé mes amants pour m’offrir une dose de coc, j’ai menti, manipulé, trahi la confiance de mes proches pour payer mes factures. J’ai volé par simple plaisir, jusqu’aux rouleaux de papier cul dans les toilettes publics.
Pendant 30 ans, je me suis noyée dans la honte, la peur, l’épuisement, la culpabilité, la tristesse, le mensonge, la manipulation, l’humiliation, le jugement, la haine de moi-même, l’image monstrueuse de mon corps, le désespoir, la souffrance physique et mentale...
À la fin d’une de mes thérapies, j’avais écrit ceci : “J’aurais bientôt 29 ans et je suis fatiguée de m’être perdue dans de faux sentiments d’amour. J’ai le coeur et l’estomac barbouillés d’avoir mangé trop de mensonges, les intestins ulcérés par une nourriture avariée. Les poisons ont attaqué mon foie. J’ai fini par vomir tout mon désespoir, ma colère et ma haine. Tous ceux qui m’ont dit “je t’aime”, ne savaient pas ce qu’ils disaient, ne vivaient pas ce qu’ils disaient et le vivaient mal. Tous ceux qui m’ont conté de belles histoires pour m’endormir, ne croyaient ni aux fées, ni aux sorcières. Je suis morte ici, dans ma chambre, ma tombe... et je redécouvre la vie. Je me réincarne dans le monde. Ma mère, mon père ne sont plus là mais je me débrouillerai seule car là, au fond, il y a la voix d’Amour, la voix sans parole qui apaise et qui berce, la voix qui protège et nourrit, la voix nocturne... ma voix, ma voie d’adulte.”
J’avais alors cru être sortie d’affaire... Mais la maladie dont je souffrais s'avérait être encore un chemin long semé d’embûches. Je suis restée encore longtemps dans un état de profonde dépression, parfois jusqu’à ne plus pouvoir sortir de mon lit durant des mois. Et je programmais une fois de plus ma mort... mettre fin à tout ça... J’étais descendue au plus bas... J’avais touché au seuil de la tolérance à la souffrance...
Et enfin, j’ai rencontré un homme qui a su éclairer mon ombre... m’aimer telle que je suis, dans tous mes états... un homme qui m’a reconnue dans mes forces comme dans mes faiblesses... Un homme qui a vu mon courage, ma persévérance, ma rage de vivre dans ce tourbillon infernal... Un homme qui n’avait pas peur de se montrer vulnérable, d’admettre ses doutes et ses erreurs... Un homme sage, mon homme, mon mari. Il m’a accompagné sur de nouveaux rails et je me suis alors lancée dans le vide, comme je n’avais jamais osé le faire. J’ai embrassé mon âme, retrouvé mon essence... et je me suis découverte femme ambitieuse, joyeuse et généreuse... femme aux multiples talents, douée d’une créativité débordante... femme communicative, expressive, sociale, empathique, passionnée...
De notre amour est né un fils. Et être mère me rend invincible...

J’ai pourtant rechuté en me rendant à Perpignan avec mon fils. La dépression me rattrapant, je suis repartie chez moi, décidée à ne plus jamais revoir mon père...
Aujourd’hui, je viens de célébrer une victoire... mon père piégé par ses propres mensonges, n’a d’autre choix que de me laisser aller. Il croit me punir en me privant de sa présence, en me déshéritant, en me dénigrant... Seul son pardon me manquera à jamais.

Mordaza soeur

La mémoire traumatique

Article du Dr Muriel Salmona, psychiatre, psychothérapeute, responsable de l’Antenne
92 de l’Institut de Victimologie.

La mémoire traumatique, trouble de la mémoire implicite émotionnelle, est une conséquence psychotraumatique des violences les plus graves se traduisant par des réminiscences intrusives qui envahissent la conscience (flash-back, illusions sensorielles, cauchemars) et qui font revivre à l’identique tout ou partie du traumatisme, avec la même détresse, la même terreur et les mêmes réactions
physiologiques, somatiques et psychologiques que celles vécues lors des violences. An historique, non-intégrée, hypersensible, elle est déclenchée par des sensations, des affects, des situations qui rappellent, consciemment ou non, les violences ou des éléments de leur contexte, et ce jusqu’à des dizaines d’années après le traumatisme. Elle est particulièrement fréquente chez les victimes de violences
sexuelles, de maltraitance dans l’enfance et d’actes de barbarie et de tortures, et elle est à l’origine des symptômes psychotraumatiques les plus graves, les plus chroniques et les plus invalidants.
Très difficile à calmer, la mémoire traumatique peut, particulièrement quand elle est parcellaire ou sensorielle, ne pas être identifiée ni reliée au traumatisme ce qui la rend d’autant plus déstabilisante et déstructurante (impression de danger et de mort imminents, de devenir fou). Elle s’apparente à une bombe prête à se déclencher à tout moment, transformant la vie en un terrain miné, nécessitant une hypervigilance et une mise en place de stratégies d’évitements et de contrôles
épuisants et handicapants (évitements des situations, de sensations, de la pensée, des émotions) ainsi que d’auto-traitement par des conduites dissociantes qui permettent de s’anesthésier. Les mécanismes neuro-biologiques et neuro physiologiques qui la sous-tendent commencent depuis quelques années à être bien connus et permettent d’élaborer des modèles théoriques qui éclairent la génèse de
nombreux symptômes psychotraumatiques mais aussi de troubles psychiques associés très souvent présents et difficiles à comprendre chez les victimes comme les troubles de la personnalité, du comportement et des conduites (particulièrement les conduites à risque, les conduites auto-agressives et les addictions). Étude clinique et recherche fondamentale en neurosciences s’associent comme le souhaitait Freud pour proposer un modèle explicatif cohérent utilisable pour la clinique et le traitement.
Mécanismes à l’oeuvre :
Les mécanismes neuro-biologiques qui sont à l’origine de cette mémoire traumatique sont assimilables à des mécanismes de sauvegarde exceptionnels qui, pour échapper à un risque vital intrinsèque cardio-vasculaire et neurologique induit par une réponse émotionnelle dépassée et non contrôlée, vont faire disjoncter le circuit de réponse émotionnelle (comme dans un circuit électrique en surtension qui disjoncte pour sauvegarder les appareils). Le circuit neurologique en question est le système limbique dont les principales structures sont les amygdales, les hippocampes et le cortex associatif; lors d’un danger les amygdales, structures cérébrales sous-corticales qui contrôlent les réponses émotionnelles et la mémoire émotionnelle implicite sont activées et vont, avant même que le cortex sensoriel et associatif soit informé et puisse lire et interpréter l’événement, déclencher une réponse émotionnelle par l’intermédiaire de la production d’adrénaline par le système nerveux autonome (pour augmenter le rythme et le débit cardiaque la pression artérielle, la fréquence cardiaque et stimuler la glucogénèse) et de la production de cortisol par l’axe hypothalamo-hypohyso-surrénalien (pour stimuler la néoglucogénèse) dont le but est de fournir à l’organisme avec de l’oxygène et du glucose disponibles en grande quantité, les ressources en énergie nécessaires aux organes pour répondre au danger (affrontement ou fuite). Les amygdales donnent aussi simultanément des informations émotionnelles au cortex associatif pour qu’il puisse en tenir compte afin d’ analyser le danger et de prendre des décisions et à l’hippocampe, qui est le “logiciel” indispensable pour traiter et stocker les souvenirs et les apprentissages et aller les rechercher ensuite. Une fois les amygdales “allumées” elles ne peuvent se moduler ou s’éteindre que par l’action du cortex associatif et de son travail d’analyse et de prise de décisions, aidé en cela par la “banque de données” de souvenirs d’apprentissage et de repères spatio-temporels que lui a fourni l’hippocampe. Lors de violences extrêmes, incompréhensibles, confrontant à l’implacable entreprise de destruction de l’agresseur, à sa mort imminente, sans échappatoire possible avec une impuissance totale et faisant s’effondrer toute les certitudes acquises, le cortex et l’hippocampe sont dans l’incapacité de se représenter l’événement, de l’intégrer et de relier à des connaissances ou des repères acquis et donc de moduler ou d’éteindre les amygdales : la réponse émotionnelle reste maximale et les taux d’adrénaline et de cortisol deviennent toxiques pour l’organisme, toxicité cardiaque et vasculaire pour l’adrénaline (risque d’infarctus du myocarde de stress et d’hypertension maligne), toxicité neurologique pour le cortisol (risque épileptique et de mort neuronale par apoptose pouvant aller jusqu’à 30% du volume de certaines structures, hippocampe et cortex préfrontal), véritable “survoltage” confrontant à un risque de mort imminente qui entraîne la mise en place d’une voie de secours exceptionnelle qui va faire disjoncter le circuit limbique , déconnecter les amygdales et éteindre la réponse émotionnelle grâce à la secrétion par le cerveau de drogues dissociantes endogènes, endorphines et drogues “kétamine-like” (des antagonistes des récepteurs NMDA du système glutamatergique). Les amygdales sont éteintes et malgré les violences qui se poursuivent il n’y a plus de réponse émotionnelle donc plus de risque vital, plus de souffrance physique les endorphines produisant une analgésie.
Les amygdales sont déconnectées des hippocampes, la mémoire émotionelle ne va pas pouvoir être traitée et intégrée et va rester piégée : c’est la mémoire traumatique; les amygdales sont déconnectées du cortex qui ne reçoit plus d’information émotionnelle les stimuli traumatiques vont continuer d’arriver au cortex sensoriel mais ils vont être traités sans connotation émotionnelle et sans souffrance physique ce qui va donner une impression d’étrangeté, d’irréalité, de dépersonnalisation,
d’être spectateur des événements, les drogues “kétamine-like” de plus entraînent des sensations de transformations corporelles et de distorsions spatio-temporelles : c’est la dissociation péri-traumatique.
Au total le risque vital lié au stress extrême généré par les violences est évité au prix d’une disjonction responsable d’une mémoire traumatique et de symptômes dissociatifs. Pour éviter de déclencher la mémoire traumatique des conduites de contrôle et d’évitement vont ensuite être mis en place par la victime. Mais quand ces conduites ne suffisent plus et que la mémoire traumatique “explose” entraînant détresse, terreur et angoisse insupportables, le plus souvent seules des conduites “d’auto-traitement” dissociantes dont la victime a fait l’expérience de leur efficacité vont pouvoir calmer l’état de détresse. Il s’agit alors de redéclencher la disjonction du circuit émotionnel en augmentant le niveau de stress pour recréer un niveau de survoltage suffisant, par des conduites agressives contre soi-même (tentatives de suicide, auto-mutilations) ou contre autrui,des conduites à risque de mise en danger, des prises de produits excitants (amphétamines) ou en le déclenchant directement par des drogues dissociantes (alcool, cannabis, héroïne....). Cette disjonction provoquée va entraîner une anesthésie affective et physique, une dissociation et calmer l’angoisse, mais elle va aussi recharger et aggraver la mémoire traumatique et créer une dépendance aux drogues dissociantes. Ces conduites dissociantes qui s’imposent sont à la fois paradoxales et déroutantes, douloureuses et incompréhensibles pour les victimes et pour les professionnels qui s’en occupent, elles sont responsables de sentiments de culpabilité, de honte, d’étrangeté, de dépersonnalisation et d’une vulnérabilité accrue face au monde extérieur et plus particulièrement face aux agresseurs, lesquels connaissent bien par expériences ces phénomènes dont ils profitent pour assurer leur emprise sur les victimes et pour les instrumentaliser (ils sont eux-mêmes aux prises avec une mémoire traumatique et ils utilisent les victimes pour gérer à leur place les conduites d’évitement et pour se dissocier grâce aux explosions de violence qu’ils leur font subir, ce qui permet aux agresseurs de s’anesthésier, les victimes étant leur “drogue”) .
La prise en charge va à la fois aider les victimes à sortir de leur isolement, à mieux se comprendre, à retrouver une dignité, à se sentir soulagées, déculpabilisées et à reprendre espoir. Cette amélioration se fait en identifiant les violences, en permettant aux victimes de comprendre l’origine de leur souffrance, de faire des liens entre les violences et leurs symptômes en comprenant les mécanismes
neuro-biologiques et psychologiques des psychotraumatismes, en “revisitant” les violences en ouvrant toutes les portes que nous offre les manifestations de la mémoire traumatique (véritable témoinde l’horreur indicible vécue). Il s’agit de réunir et en replacer toutes les pièces isolées qui vont permettre de reconstruire l’événement traumatique avec cette fois-ci un accompagnement, une chronologie retrouvée et une élaboration de grilles de lecture, de représentations, d’interprétation et d’intégration qui vont être efficaces pour moduler et éteindre les réponses émotionnelles sans le recours à la disjonction et rendre ainsi inutiles les conduites d’évitement et les conduites dissociantes.
La mémoire traumatique “déminée”, “désamorcée” va pouvoir être réintégrée dans une mémoire explicite narrative et autobiographique libérant l’espace psychique, l’arrêt des conduites dissociantes va permettre une récupération neurologique (neurogénèse) et la récupération d’un sentiment de cohérence et d’unité, de “retrouvaille avec soi-même.

Dr Muriel Salmona
psychiatre, psychotraumatologue
responsable de l’Antenne 92 de
l’Institut de Victimologie
drmsalmona@gmail.com




lien :ici

Honte et Anonymat

 Sculpture et photo Mordaza 2010















Je me demande aujourd'hui pourquoi l'anonymat, pour qui l'anonymat ?
Il y a la peur, il y a la honte,
je n'ai plus peur , je n'ai plus honte.
Il y a la culpabilité,
je ne suis coupable que d'avoir dit la vérité.

C'est cette peur qui fait que chaque femme violée reste bâillonnée, que chaque femme violentée reste menottée. La peur devient irréelle quand les mots sont posés. Le danger disparaît avec la vérité.
Je suis une femme violée mais je suis une femme délivrée.
La honte appartient au violeur, au manipulateur. La honte appartient à celui qui commet l'injustice, l'irréparable, le délit, le déni... Je suis une femme libre, plus de mensonges, plus de bâillon, plus de manipulation.
Quand je sortirai de l'anonymat , j'entraînerai avec moi ceux que la honte devrait terrasser.

Mordaza