jeudi




Sculpture Mordaza 2010








Ma famille, mon mari, mon fils, mes amis, mes collègues de travail, mes élèves et patients... même des inconnus savent qui je suis aujourd’hui... Je ne cache rien, c’est même ainsi que je me présente sur mon site professionnel : entre 16 et 35 ans, j’ai été une toxicomane consommant toutes sortes de drogues, boulimique, anorexique, dépressive majeure... J’ai connu trois hospitalisations pour overdose... Dépendante affective, j’ai entretenu la plupart de mes relations affectives dans la destruction, les jeux sexuels les plus pervers, les partouzes, l’échangisme, le masochisme... Souffrant d’importants symptômes physiques (vertiges, apathie, migraines, vomissements, palpitations, perte de la vue, tremblements, crises d’angoisse, évanouissements, problèmes gynécologiques), ma vie se résumait à des consultations chez les médecins, les spécialistes, les psy, les groupes de thérapie... Incapable de prendre mes responsabilités et de satisfaire mes besoins de base, il m’était impossible de travailler... J’ai souffert du manque d’argent, de l’isolement, victime de l’incompréhension de mon entourage...
J’ai volé mes amants pour m’offrir une dose de coc, j’ai menti, manipulé, trahi la confiance de mes proches pour payer mes factures. J’ai volé par simple plaisir, jusqu’aux rouleaux de papier cul dans les toilettes publics.
Pendant 30 ans, je me suis noyée dans la honte, la peur, l’épuisement, la culpabilité, la tristesse, le mensonge, la manipulation, l’humiliation, le jugement, la haine de moi-même, l’image monstrueuse de mon corps, le désespoir, la souffrance physique et mentale...
À la fin d’une de mes thérapies, j’avais écrit ceci : “J’aurais bientôt 29 ans et je suis fatiguée de m’être perdue dans de faux sentiments d’amour. J’ai le coeur et l’estomac barbouillés d’avoir mangé trop de mensonges, les intestins ulcérés par une nourriture avariée. Les poisons ont attaqué mon foie. J’ai fini par vomir tout mon désespoir, ma colère et ma haine. Tous ceux qui m’ont dit “je t’aime”, ne savaient pas ce qu’ils disaient, ne vivaient pas ce qu’ils disaient et le vivaient mal. Tous ceux qui m’ont conté de belles histoires pour m’endormir, ne croyaient ni aux fées, ni aux sorcières. Je suis morte ici, dans ma chambre, ma tombe... et je redécouvre la vie. Je me réincarne dans le monde. Ma mère, mon père ne sont plus là mais je me débrouillerai seule car là, au fond, il y a la voix d’Amour, la voix sans parole qui apaise et qui berce, la voix qui protège et nourrit, la voix nocturne... ma voix, ma voie d’adulte.”
J’avais alors cru être sortie d’affaire... Mais la maladie dont je souffrais s'avérait être encore un chemin long semé d’embûches. Je suis restée encore longtemps dans un état de profonde dépression, parfois jusqu’à ne plus pouvoir sortir de mon lit durant des mois. Et je programmais une fois de plus ma mort... mettre fin à tout ça... J’étais descendue au plus bas... J’avais touché au seuil de la tolérance à la souffrance...
Et enfin, j’ai rencontré un homme qui a su éclairer mon ombre... m’aimer telle que je suis, dans tous mes états... un homme qui m’a reconnue dans mes forces comme dans mes faiblesses... Un homme qui a vu mon courage, ma persévérance, ma rage de vivre dans ce tourbillon infernal... Un homme qui n’avait pas peur de se montrer vulnérable, d’admettre ses doutes et ses erreurs... Un homme sage, mon homme, mon mari. Il m’a accompagné sur de nouveaux rails et je me suis alors lancée dans le vide, comme je n’avais jamais osé le faire. J’ai embrassé mon âme, retrouvé mon essence... et je me suis découverte femme ambitieuse, joyeuse et généreuse... femme aux multiples talents, douée d’une créativité débordante... femme communicative, expressive, sociale, empathique, passionnée...
De notre amour est né un fils. Et être mère me rend invincible...

J’ai pourtant rechuté en me rendant à Perpignan avec mon fils. La dépression me rattrapant, je suis repartie chez moi, décidée à ne plus jamais revoir mon père...
Aujourd’hui, je viens de célébrer une victoire... mon père piégé par ses propres mensonges, n’a d’autre choix que de me laisser aller. Il croit me punir en me privant de sa présence, en me déshéritant, en me dénigrant... Seul son pardon me manquera à jamais.

Mordaza soeur

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bravo... ca m'a pri le temps pour lire tout ca, mais je n'ai pas pu m'arreter une fois plonger dans ton histoire, chapeau pour ton courage
"je suis une femme violée..."