jeudi

Violence familiale

Sculpture Mordaza

Je viens de me réveiller.
J'ai fait un drôle de rêve, j'étais dans la maison en Bretagne et je cherchais la clé. Une vraie clé, pour ouvrir la porte. J'ai tout renversé et je criais: cette clé est ici cachée !

En ouvrant les yeux, j'ai saisi. C'est par là-bas que je dois chercher. De cette maison va sortir une clé, celle qui devrait m'aider à comprendre. Je veux trouver.

Ce viol est familial. Quelqu'un m'a d'abord bâillonnée.

Je vois des dunes, je vois du sable et je le vois, lui, mon père, se rouler dans ce sable, rire et chahuter. Je vois aussi que la jeune fille avec qui il riait, n'était pas moi. Mais je vois pire. Je le vois la toucher, la caresser, l'embrasser. Cette jeune fille était mon amie, elle avait environ 15 ou 16 ans , j'en avais 12 ou 13.
C'étaient les vacances de la Toussaint, il pleuvait...
Mon père avait décidé de nous emmener mon amie et moi, dans cette maison. Maman devait travailler. Ma sœur était-elle là? Je ne me souviens pas mais je pense que oui.
Durant le trajet, il riait, il chantait. Je ne l'avais jamais vu comme cela. J'imaginais bien que ce n'était pas ma présence qui le rendait si gai et mon cœur a commencé à se serrer. Et ma bouche a commencé à se fermer.
Nous sommes arrivés.
Il a déployé une énergie que je ne lui connaissais pas pour nous sortir, pour nous amuser. Il ne nous quittait plus. Je n'ai jamais eu autant de cadeaux de ma vie.
Ce n'était plus mon père. Mon père ne s'occupait jamais de moi.
Un matin, il a décidé de nous emmener sur cette plage. Une plage de dunes. Il voulait creuser un grand trou pour enterrer mon amie. Comme un enfant, il se roulait dans ce sable... Et je l'ai vu, ses gestes déplacés, son regard immonde, ses mots... et j'ai compris.

J'étais bâillonnée. C'était mon amie, je n'ai pas osé lui en parler.

Quand nous sommes rentrés, j'étais emmurée.

Il n'aimait plus maman depuis longtemps. L'a-t-il seulement aimée ? Il la faisait souvent pleurer, je la voyais se débattre et je ne voulais pas en rajouter. Il le savait.
Il lui disait, tu es malade, tu es folle à chaque fois qu'elle se sentait manipulée.

Je crois que maman l'aimait.

Moi, je tenais entre les mains de quoi faire exploser ma famille. Il n'était pas vraiment débile. Un enfant ne détruit pas sa famille. J'ai avalé l'explosif si gentiment offert à moi,
et je suis devenue la complice de ses actes réprimandés par la loi.
Le bâillon et la culpabilité !!
Il pouvait tranquillement continuer ses saloperies, plus jamais je ne l'ouvrirais.



Moi, contrairement à lui, je l'aimais. J'aurais tout donné pour un regard de sa part, pour un câlin, pour un mot tendre. J'aurais tout donné pour qu'il s'intéresse un peu à moi. Je l'aimais comme une fille aime son père.
Il faut beaucoup de temps pour accepter d'avoir aimé un monstre, il faut beaucoup de temps pour décider de ne plus protéger celui que l'on a tellement vénéré.

IL n'est pas mon violeur, il a seulement participé à la pose du bâillon que je dois retirer.

C'est la première fois de ma vie que j'arrive à mettre des mots sur cette histoire. Maintenant je pleure, moi qui ne pleure pas assez. Ma sœur dirait : c'est bien laisse aller...

Il y a la suite, mais pas aujourd'hui, pas maintenant, pas encore. La blessure est trop profonde et mon corps se sent meurtri.

Mordaza

Aucun commentaire: