jeudi

Se reconstruire après un viol.

Pour commencer, je me vois dans l'obligation de faire partager aux lecteurs le lourd fardeau qui est le mien.

Je suis une femme violée.
Ce viol a été commis par un des membres de ma famille, le mari de ma tante Valérie, Greg.
Après 30 ans de souffrance, je me décide enfin à ôter le bâillon qui m'empêche de respirer et de parler.

Il y a quelques années de cela, dans l'espoir de rendre à César ce qui appartient à César, j'ai adressé un courrier à ma tante Valérie, lui exposant les faits et souhaitant au départ juste un peu de compréhension.


Mon père a réagi à ce courrier en des termes qui me laissent encore stupéfaite.

J'ai vraiment besoin de comprendre et à deux c'est mieux, la deuxième étant ma sœur avec qui je vais faire ce chemin.


Mordaza


Voici les courriers, début de mon histoire.

Lettre à ma tante :

Chère Valérie,

Il y a maintenant bien longtemps que je ne donne plus de nouvelles. Et pourtant j'ai beaucoup de choses à te dire. Le temps des explications est venu pour moi.
Mon histoire commence chez toi, quand j'avais 12 ou 13 ans. Je t'aimais beaucoup, j'aimais aussi beaucoup Greg. Celui ci profitant de mon attirance de jeune fille pour lui, a commencé à cette époque des choses bizarres avec moi. Caresses, baisers... Vers 15 ans il me prenait la main en cachette, m'embrassait sur la bouche... L'année où je suis venue longtemps chez toi, une nuit dans un refuge, il m'a sautée dessus et m'a violée. Ce fut bien entendu ma première expérience sexuelle. Ensuite, à chaque fois que tu sortais, il en profitait, dans ton lit, dans la chambre d'amis, dans la salle de bains... Moi je trouvais cela normal, il avait sur moi une telle emprise que je ne pensais pas à mal.
Le problème est venu bien plus tard, quand je me suis retrouvée avec au fond de moi ce malaise, ce dégoût, cette haine des hommes. Quand j'ai compris que ma sexualité était perturbée, que le visage de Greg m'envahissait sans arrêt, que je ne pouvais plus te parler, que je cherchais à fuir la famille.

Un jour, j'en ai parlé avec mes parents, mon père a répondu que je l'avais cherché. Je me suis sentie replongée dans ma honte. Aujourd'hui je n'ai plus honte.

Tout ceci est écrit sans haine, sans rage, sans colère, juste le besoin impérieux de dire la vérité, de remettre les choses dans l'ordre.
Si tu veux m'aider, je recherche l'adresse de Greg afin de lui faire part de la marque profonde qu'il a laissé en moi et lui rappeler que ce qu'il a fait est un viol à caractère incestueux. Ma guérison passe obligatoirement par cette démarche.

Comme tout le monde, je mourrai un jour, je ne veux pas partir avec ce lourd secret, je ne veux pas laisser derrière moi, des non-dits, des mensonges, des blessures. Je veux pouvoir vivre libre et heureuse dans un monde déjà rempli de chagrin.

En espérant vraiment de tes nouvelles, en espérant aussi renouer avec toi, que tu me comprennes et que tu m'acceptes telle que je suis.

Je t'embrasse

Mordaza



Et voici une partie de la réponse de mon père au courrier écrit à ma tante. Je n'ai changé aucun mot.


Quant au courrier adressé à Valérie, je pense effectivement que lui annoncer qu'elle était cocue il y a 25 ans, relève d'une démarche perverse et dégueulasse.

Ta tante n'a pas besoin de cela, et tu dois savoir que tes traumatismes et mal-être doivent être réglés (auraient dû !) en toute conscience, avec les personnes concernées, soit toi et Greg.

Le chemin du bonheur passe avant tout par toi, certainement pas en allant chercher des boucs émissaires plus ou moins lointains.....

Ton père.



Je croyais être guérie mais je comprends que non. Encore une fois, j'avais enfoui.
A te relire, toi, mon père, la fureur à nouveau se répand en moi.
Comment as-tu osé ? Ta réponse est immonde et referme, une fois de plus, la porte de la prison dont je tente, depuis 20 ans, de m'extirper.
Jamais je ne pourrai te pardonner .
Quel être humain es-tu pour ainsi te comporter ?

Je suis la victime d'un viol et tes mots me dégoûtent. J'ai envie de vomir. De te vomir, de hurler, de pleurer, de te tuer.
Toi mon père, celui dont je devrais être fière, le mur contre lequel j'aurai dû pouvoir m'appuyer.
Tu me répugnes, tu m'écœures, tu ressembles à mon violeur. Je te sens complice de cet homme et je te hais. Jamais mes cris ne seront assez puissants pour expulser cette rage, jamais mes sculptures ne pourront traduire cette haine que tu viens réveiller chez moi à chaque fois que tu uses de parole.
Tes mots dégoulinent. Ils m'empestent, m'empoisonnent, me polluent, me gangrènent, m'infectent, ils me pénètrent et me violent à nouveau.
Je te hais.

Mordaza

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Je te comprends pour avoir vécu la même histoire à quelques différences... J'espère que tu pourras te libérer ainsi que tout les personnes ayant été violées.

Encore une de plus a dit…

J'espère tout comme l'autre personne qui a laissé un commentaire, que tu arriveras à t'en sortir.
J'espère aussi que j'y arriverai.
Je suis entrain de faire un peu la même démarche que toi. J'ai créer un blog ici : http://apresleviol.wordpress.com/

Vient le lire, peut-être que le fait de partager peut aider. Un peu.

Anonyme a dit…

Je suis moi aussi une adolescente ayant été victime de viol. Je vis à Ajaccio, pas très grand comme ville, pourtant la moindre personne qui me frôle quand je marche en ville me donne de terribles sensations. J'ai 13 ans. Aujourd'hui, aidée de mes amies, j'essaie de faire face à ce cauchemar. Ca n'est jamais très facile, mais j'ai toujours pensé qu'il ne fallait pas abandonner dès que l'on rencontre un obstacle. Le fait de se battre pour se reconstruire après un viol, cela nous rend plus fortes. Un jour, on se réveillera, et on se sentira probablement un peu mieux. Puis de jour en jour, les traces seront un peu plus masquées. Je pense que de mettre de la bonne volonté pour aller mieux, c'est plus courageux que de se consumer à petit feu, en attendant que l'on vienne nous cueillir, comme des fleurs fanées.

Anonyme a dit…

comme je vous comprend!!
j'ai été violée par mon père de 5 ans a 16 ans.
en juillet dernier, j'ai enfin su sortir cette douleur qui me tiraillée depuis 30 ans....
j'en ai parlé a mon mari, que j'ai fait tomber dans la dépression depuis et qui ne travaille qu'a mi-temps depuis.
j'en ai ensuite parlé a ma mère qui a hurlé pleuré voulait tuer mon père, mais ce désarrois n'a duré qu'une journée .. depuis elle vit comme ci de rien n'était...je ne la voit plus..
j'en ensuite parlé a mon frère qui a une fille de 15 ans et ca réponse a été je cite:" c'est bien fait pour ta gueule tu n'avais qu'a te réveiller avant..."je suis détruite!!! aucun soutient familial et aucun recours que je connaisse....je ne voit plus ni mes parents, ni mon frère et malgré le soulagement de ne plus porter seul ce fardeau, je ne m'en sors pas...cauchemars malgré mes traitements...et toujours ce terrible poids...nous vivons très mal tant que eux vivent très bien.
les médecins disent que ma mère devait être au courant des agissements de mon père ...j'ai beaucoup de questions auxquelles je n'ai pas de réponses et n'en n'aurais surement jamais.

Anonyme a dit…

Bonjour, je suis une jeune femme de 24 ans. Il y a un an, l'ami de mon mari qui nous conseillait dans un projet de construction m'a violé après m'avoir agressée sexuellement plusieurs fois, faisant passé ses actes pour de l'attirance, me poussant à m'isoler, me renfermer jusqu'à être dégoutée de moi même, osant à peine toucher mes enfants...
Je suis parvenue à en parler à quelques personnes sans décrire toutes les situations qu'il m'imposait à chaque demande d'explications de ma part, situations honteuses qui me poussaient à culpabiliser et garder le silence. Il s'informait de mon état via mon mari qui l'écoutait et croyait en lui autant que moi, sa victime. Il me savait condamnée à garder le silence car aimant mon mari, sachant qu'il voulait ce projet, qu'il était impulsif et que lui même souffrait. Mon agresseur m'avait promis qu'il ne recommencerait pas, me suppliant en larmes la première fois... c'était le début du calvaire pour moi. Il est revenu à l'attaque la seconde fois après avoir appris que j'avais été molestée par des gars et que je n'avais pas réagis à la suite de sa première agression. Je lui ai rouvert la porte de chez moi, naïvement, j'ai refait confiance et, insidieusement, il m'a traumatisée en brouillant mes sens, en tentant de me violer, en se masturbant devant moi tremblante, en expliquant ses gestes par sa vie affective instable. Je supportais de voir mon mari lui parler quasiment tous les jours, je supportais d'avoir ressentis quelque chose au contact de son corps... j'ai voulu comprendre... c'est là que le cercle de l'emprise s'est refermé sur moi. Le jour après le viol, au bord du suicide, j'ai finalement révélé à mon mari "que je l'avais trompé". Après un an de thérapie, je me reconstruis, tente de faire de mon mieux pour que cet homme ne brise pas une autre vie comme il a brisé la mienne, mes rêves...J'essaie de porter mon histoire aux jeunes femmes qui comme moi, ne voit en l'homme qu'un homme, qu'un ami mais qu'il se révèle parfois être une bête sans pitié.
Ne gardez pas le silence ... n'ayez pas honte, ce sont ces pervers qui doivent se cacher dans les abysses... ils sèment la destruction, la peine et le désespoir. Ne leur faites pas ce plaisir ! Un big up à toutes celles qui témoignent ...

Anonyme a dit…

Je ces pas si ces un viol mes quand j'avais dix ans mon cousin me frotter son sexe contre le mienne et celle de ma cousine oci il le fesait un peu plus souvent avec la mienne g des bref souvenir

Anonyme a dit…

J'ai pris le temps de lire toutes vos histoires ...
J'ai moi aussi vécus des attouchements sexuels , j'ai actuellement 22 ans , il y a déjà 8 ans de cela , et cela ne cesse de me hanter .. Comment vous êtes vous reconstruis a l'heure actuel ? Comment faites vous pour faire face ?
Pour ma part je suis extrêment agressif et bipolaire , je le vis très mal et je ne sais quoi faire pour pouvoir enlever a jamais cette image qui me ronge a petit feu chaque jour ...

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je viens de lire et mon dieu comme vôtre histoire ressemble a la mienne, sauf que moi en plus il ma traitée de putain et ma frappée, je n'ai toujours rien dit a personne, ni a ma famille, ni a mes fils, je vis avec ce lourd secret depuis mes 17 ans, j'en ai 53 aujourd'hui.
Sexuellement, je ne sais pas ce que c'est, je fais semblant depuis toujours, je ne peux pas m'abandonner dans les bras de mon mari et pourtant il est tellement bon avec moi.
Il m'arrive de vouloir en finir
Courage
Sylvie

Anonyme a dit…

Bonjour Mordaza et à tous ceux qui ont laissé un commentaire. J'ai partagé récemment l'histoire d'une personne qui a été violée. Je suis thérapeute et j'accompagne donc les personnes sur leur reconstruction et l'accompagnement à réparer leurs blessures. Je suis très touché par votre témoignage. J'imagine que le chemin a dû, et est peut-être, encore difficile. Je suis tombé sur votre site car je cherche des moyens de comprendre, comment après une telle chose, certaines d'entres vous arrivent à se reconstruire, à s'ouvrir à nouveau à la vie. Si aujourd'hui vous avez en partie transcender votre histoire et que vous souhaitez m'aider, je serai ravi de recueillir quelques bribes de votre alchimie personnelle. Avec toute mon affection. Nils

Mordaza a dit…

Merci Nils, vous pouvez me contacter sur mon mail : mordaza@live.fr, je pourrai peut-être vous livrer quelques bribes de mon alchimie...